La réécriture du code du travail, ce sera dès 2016 pour la durée du
travail, les repos et les congés et dans deux ans pour le reste
crédits Photo Le Placide |
Manuel Valls, Premier ministre, et Myriam El Khomri, ministre du Travail,
ont présenté à la presse, le 4 novembre 2015, les orientations retenues
pour la réforme du code du travail. On en sait maintenant un peu plus sur les
objectifs, le calendrier, la méthode retenue … mais guère davantage sur les
marges de manœuvre qui seront ouvertes aux entreprises. Pour cela, il faut attendre
le projet de loi.
Réécriture du code du travail
Dans la suite du rapport Combrexelle remis le 9 septembre 2015, le
gouvernement se propose de procéder à une réécriture du code du travail,
pour permettre de traiter les sujets au niveau le plus proche de la réalité des
entreprises et le rendre plus lisible. En outre, il s’agira de laisser plus de
place à la négociation collective.
À l’inverse de la recodification de 2008, cette réécriture ne sera pas
uniquement à droit constant. En revanche, il n’y aura pas d’inversion de la
hiérarchie des normes.
Le code du travail sera réécrit sur la base, pour chaque chapitre, d’une architecture
nouvelle qui reposera sur trois niveaux distincts :
-1er niveau : celui de l’ordre public auquel aucun accord
ne peut déroger (par exemple, le SMIC, la durée légale du travail) ;
-2e niveau : ce sera le domaine ouvert à la négociation et
définissant l’articulation la plus pertinente entre la branche et l’entreprise
(la loi déterminera le champ de l’ordre public conventionnel de branche) ;
-3e niveau : ce seront les dispositions applicables en
l’absence d’accord d’entreprise et d’accord de branche.
Le but est de donner plus de place aux partenaires sociaux et plus de marge
de manœuvre aux accords collectifs, sans oublier des mesures visant à permettre
aux TPE/PME de profiter de ces nouvelles opportunités.
Dès 2016 pour la durée du travail, les repos et les congés, à horizon 2018
pour l’ensemble du code du travail
Les travaux de réécriture de l’ensemble du code s’étaleront sur deux
ans (horizon 1er semestre 2018).
Mais dès 2016, une loi réécrira les parties du code du travail
consacrées à la durée du travail, aux repos et aux congés
(un peu plus de 150 pages, annotations comprises, dans le Code du travail
annoté du groupe Revue Fiduciaire).
Ces parties ont pour caractéristique de porter sur des questions touchant
au quotidien des employeurs et des salariés (durées hebdomadaires et
quotidiennes de travail, aménagement du travail sur l’année, congés,
astreintes, etc.). En outre, elles sont touchées par les transformations
récentes du travail, notamment celles liées au numérique, comme l’a mis en
exergue le rapport de Bruno Mettling remis le 15 septembre 2015
(ex. : droit à la déconnexion, télétravail, utilisation et sécurisation du
forfait jours).
Un projet de loi sera présenté début 2016, pour une adoption
avant l’été ou pendant l’été.
Voilà pour le cadre général. En revanche, le Premier ministre n’est pas
véritablement entré dans le détail des marges de manœuvre qui seront ouvertes
aux acteurs du monde du travail (employeurs, syndicat, etc.). Ces questions
seront sans doute abordées avec les partenaires sociaux, lors de la phase de
consultation préalable au projet de loi.
Cela étant, le dossier de presse contient quelques exemples simplifiés
pour permettre d’approcher « l’esprit » de la réforme :
-employeur ayant besoin d’augmenter temporairement le temps de travail de
ses salariés à temps partiel du fait d’un pic d’activité : un accord
conclu avec les syndicats au niveau de l’entreprise pourrait permettre
d’augmenter la durée du travail des salariés à temps partiel, sur la base du
volontariat, moyennant la rémunération correspondante et le cas échéant
d’autres contreparties (actuellement, la possibilité de conclure des avenants
de compléments d’heures doit être autorisée par un accord de branche
étendu) ;
-employeur ayant besoin de « pousser » ponctuellement la durée du
travail pour un projet (ex. : confection d’un nouveau produit) :
possibilité de dépasser la durée maximale de 44 h sur 12 semaines
consécutives, et d’aller jusqu’à 46 h, par accord d’entreprise majoritaire
(actuellement, il faut soit une autorisation exceptionnelle de
l’administration, soit appartenir à un secteur d’activité ou cela est prévu par
décret).
Méthode de réécriture
Dès novembre 2015, une « mission des Sages » sera
constituée. Présidée par Robert Badinter, elle sera composée de deux
Conseillers d’État, de deux magistrats de la Cour de cassation et de deux
universitaires.
D’ici janvier 2016, elle proposera au gouvernement les principes
fondamentaux destinés à guider les travaux de réécriture du code du
travail, principes qui seront ensuite intégrés au projet de loi.
Sur la base de ces principes et des consultations qui seront effectuées
auprès des partenaires sociaux, le gouvernement présentera début 2016 un projet
de loi de réforme du droit du travail. Le texte portera sur les principes
de réécriture du code et, de façon plus immédiate, sur la nouvelle architecture
des parties sur la durée du travail, les repos et les congés.
La réécriture de l’ensemble du code du travail (horizon 2 ans, 1er
semestre 2018) sera confiée à la mission, élargie à des personnalités
qualifiées (juristes, universitaires, praticiens des relations sociales). Elle
rendra des comptes réguliers aux partenaires sociaux et au législateur.
Dynamiser la négociation collective
Au-delà de la question des hommes et de leur formation, renforcer la
culture de la négociation collective en France suppose, selon le Premier
ministre, d’adapter le cadre juridique, et notamment les conditions de
conclusion, de révision et de dénonciation des accords.
À s’en tenir au dossier de presse, les concertations auraient mis en
lumière les inconvénients à prévoir une durée limitée de 4 ans pour tous les
accords d’entreprise et de branche, proposée par le rapport Combrexelle. À
l'opposé, il faudra éviter les accords « dormants » jamais
renégociés, voire impossibles à dénoncer ou réviser.
Redynamiser la négociation collective pourrait ainsi passer par :
-l’obligation pour les accords de fixer d’emblée leur durée
(déterminée ou non) ;
-la systématisation des clauses de revoyure dans les accords
d’entreprise et les accords de branche ;
-la simplification des règles de révision et de dénonciation des
accords, en clarifiant le périmètre des avantages individuel acquis (une
mission sera confiée au professeur Jean-François Cesaro ; ses résultats
pourront être intégrés, après concertation, dans le projet de loi de début
2016) ;
-la sécurisation de la nature et de la portée des accords de groupe.
Le principe de l’accord majoritaire sera étendu.
Réduction du nombre de branches professionnelles
Renforcer la place des accords de branche suppose d’avoir des branches
« vivantes » et en capacité de négocier.
Le gouvernement souhaite réduire le nombre de branches professionnelles de
700 à 400 branches à la fin 2016, à 200 d’ici 2 ans pour arriver à
terme à 100 branches environ.
S’ils le souhaitent, les partenaires sociaux pourront conclure un accord de
méthode d’ici la fin 2015 sur ce sujet, dont les principes pourront inspirer le
projet de loi de début 2016.
Dans tous les cas, le projet loi fixera le principe de la disparition
d’ici fin 2016 :
-des branches « territoriales », par leur rattachement à des
branches nationales ;
-des branches qui n’ont eu aucune activité conventionnelle depuis plus de
10 ans.
La loi prévoira, en l’absence d’avancées dans les 3 ans qui suivront la
loi, les critères selon lesquels les pouvoirs publics procéderont aux
regroupements (branches de moins de 5 000 salariés, cohérence sectorielle,
etc.).
Elle laissera le soin aux partenaires sociaux de fixer d’autres critères et
les modalités des regroupements dans cette période de transition.
Il y aura en outre une période transitoire pendant laquelle les
stipulations des anciennes conventions collectives pourront continuer à
coexister au sein d’une nouvelle branche, afin de faciliter les rapprochements.
Permettre aux TPE/PME d’accéder aux marges de négociation
Partant du constat que nombreuses TPE/PME ne peuvent pas, dans les faits,
accéder aux marges de manœuvre ouvertes par la négociation collective, le
gouvernement entend prendre plusieurs mesures, dans le cadre du projet de loi,
visant à leur permettre d’en profiter.
Pour favoriser l’accès aux dispositifs dont la mise en oeuvre requiert un
accord, plusieurs pistes sont évoquées, dont notamment l’élaboration au niveau
de la branche d’accords-types spécifiques s’appliquant dans les TPE et le
renforcement du mandatement d’un salarié par une organisation syndicale pour
négocier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire