La situation
financière des retraites complémentaires (Agirc pour les cadres et Arrco pour
l’ensemble des salariés du privé) est « alarmante » et un
relèvement de l’âge légal de départ semble inéluctable. Tel est le principal
enseignement d’un rapport de la Cour des comptes sur ces régimes, révélé lundi
15 décembre par Le Parisien, et dont Le Monde s’est procuré
une copie provisoire. Le rapport définitif doit être rendu public jeudi
18 décembre.
Si rien n’est fait,
les caisses de l’Agirc seront à sec entre 2018 et 2019 et celles de l’Arrco
entre 2025 et 2037, selon les prévisions de ces régimes, jugées par ailleurs
trop « optimistes » par la Cour. La désindexation des pensions
de l’inflation jusqu’en 2015 et la hausse des cotisations, décidées par
les syndicats et le patronat en 2013, ne suffiront donc pas à rétablir les
comptes. D’autant que la réforme des retraites de 2013 va paradoxalement coûter
plus cher aux complémentaires qu’elle ne va leur rapporter.
Pour la Cour, il
faut donc décider de nouvelles et douloureuses « mesures
d’urgence ». Selon le rapport, ajuster seulement le niveau des
pensions ou celui des cotisations ne pourra suffire. Pour les cotisations, le
niveau maximal des cotisations retraites a en effet été fixé par décret à
28 % du salaire. Or il se situe déjà à 27,5 % du salaire et les « contraintes
sont fortes sur le coût du travail et le pouvoir d’achat des salariés »,
estime la Cour. Bloquer ou baisser les pensions des retraités serait de son
côté « très délicat », « au regard des effets sur le
pouvoir d’achat des retraités ».
Repousser l’âge de
la retraite à 64 ans ?
Pour repousser « au-delà
de 2030 la date d’épuisement des réserves », il faudrait par exemple à
la fois que le pouvoir d’achat des retraités soit réduit de 9 % et que le
taux de cotisation progresse de plus d’un point. Dans ces conditions, la Cour
estime inévitable de poser la question d’un nouveau relèvement de l’âge minimum
légal pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Actuellement calqué sur
celle du régime de base – 62 ans -, la Cour suggère qu’il passe progressivement
à 64 ans, entre les générations 1956 et 1960. Cette mesure pourrait rapporter
jusqu’à 94 milliards d’euros cumulés à l’horizon 2030, alors que le besoin
de financement à cet horizon est évalué à environ 120 milliards. Une
version « plus light », à 63 ans, rapporterait jusqu’à
50 milliards.
En plus du
caractère explosif d’un nouveau relèvement de l’âge minimum de départ, il
faudrait alors se poser la question des règles du régime de base. Le « principe
d’alignement », qui est jusqu’ici la règle, « pourrait
atteindre ses limites », estime la Cour. « Rien n’empêcherait
le régime de base de s’aligner dans un second temps », notent avec
ironie les auteurs du rapport. Ces préconisations sont regardées de très près
par les partenaires sociaux, qui doivent négocier en printemps des mesures pour
tenter de rétablir les comptes. Réclamé par le patronat, le relèvement de l’âge
légal est rejette fermement par les syndicats. « Nous n’accepterons pas
de toucher aux bornes d’âge », assure Philippe Pihet, chargé des
retraites à Force ouvrière, qui penche plutôt pour une hausse des cotisations.
Coûts de gestion
trop élevés
La Cour suggère par
ailleurs plusieurs réformes sur la gestion des nombreuses caisses de retraites
complémentaires, regroupéés en 17 groupes de protection sociale (Humanis,
Klesia, Malakoff, etc.) fédérés eux-mêmes au sein de l’Agirc et l’Arrco. Elle
estime que la fusion de ces deux régimes est inéluctable, d’autant qu’à l’heure
actuelle près d’un milliard d’euros de cotisation des non-cadres sont
transférés chaque année vers les cadres pour limiter la dégradation financière
de l’Agirc. Les coûts de gestion de ces caisses, qui représentent 2,7 %
des cotisations, sont trop élevés. Pour les auteurs du rapport, il faut les
réduire « fortement ».
La Cour dénonce
notamment les « coûts salariaux » des personnels de ces
caisses, « significativement supérieurs » à ceux du régime de
base de la CNAV. Les rémunérations y sont en effet supérieures de 25 %, en
moyenne. La Cour évalue à 15 % le surcout total de la gestion des
complémentaires par rapport aux retraites de base, notamment en raison d’une « dérive
des dépenses informatiques » destinées à créer un outil de gestion
commun entre les caisses. La Cour estime que les coûts de gestion pourraient
être réduits facilement de 450 millions d’euros à l’horizon 2020.
Un décret attendu
depuis 2007
D’autant qu’en
parallèle, les caisses commettent des erreurs dans le calcul des pensions, qui
concernent près de 15 % des retraites Arrco liquidées en 2013. Le
montant moyen de ces erreurs est de 68 euros par an, selon la Cour,
surtout au détriment des retraités. En tout, 265 millions d’euros
n’auraient pas été versés correctement en 2013.
Plus grave, les
contrôleurs de l’Urssaf ne signalent toujours pas aux retraites complémentaires
les fraudes qu’ils détectent parce qu’un décret d’application attendu depuis
2007 n’a toujours pas été publié. Résultat : les retraites complémentaires
ne sont pas en mesure de réclamer les retards de cotisations aux patrons
indélicats.
sources : Le Monde
auteur :Jean-Baptiste Chastand, Journaliste en charge
du social et de l'emploi
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