À 10 ans de la fin de certains contrats de concession des autoroutes, le gouvernement clarifie sa politique : non à la renationalisation, oui à la modernisation des contrats et à l’intensification de la transformation verte des 9 200 km des autoroutes françaises.
La transition écologique touche tous les aspects de la vie économique française. Les transports ne font pas exception, d’autant qu’ils sont responsables d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur routier, lui, met en place au pas de charge de nombreux projets pour verdir ses activités. Des efforts essentiels et coûteux que les gouvernements successifs veulent accompagner. Dans ce paysage, les concessions autoroutières sont à la fois en première ligne, et dans le viseur des parlementaires qui viennent, le 6 mai dernier, de discuter au Sénat de l’avenir de ces concessions avec le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.
Dépassionner un débat idéologique
Présidée par le sénateur de la Creuse Eric Jeansannetas, la commission
d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions
autoroutières avait épinglé l’année dernière dans son rapport la gestion des entreprises privées
chargées des concessions autoroutières, dont les contrats viendront à échéance
entre 2031 et 2036. Pêle-mêle, les arguments-phare des sénateurs – parfois
démagogiques – ciblaient le manque à gagner pour l’État, les dividendes en fin
d’année touchés par les SCA (sociétés concessionnaires d’autoroutes) et une
éventuelle renationalisation du réseau français. Si le
gouvernement actuel est en accord sur certains points, comme la tenue d’un
Sommet des autoroutes réclamée par les sénateurs, ses conclusions divergent sur
les dossiers les plus cruciaux, à commencer par les finances. Il s’appuie pour
cela sur les conclusions du rapport de l’Autorité de régulation des transports (ART),
un organisme indépendant qui, contrairement aux élus, n’a pas d’agenda
électoral ou idéologique.
Priorité à la transition écologique
Car la priorité est là pour le gouvernement, comme elle le sera pour ceux des
vingt années à venir : il faut décarboner totalement la route – et les
autoroutes – et cela ne se fera pas sans une politique d’investissements
massifs. « Le tournant écologique a été pris au début des années 2000,
rappelle le ministre délégué. Quelque 400 millions d'euros d’investissement
ont été réalisés dans le cadre des plans de relance autoroutiers de 2015 et
2018 : ouvrages de protection de la biodiversité, assainissement, réduction
du bruit, etc. Nous accélérons le déploiement des bornes électriques. Quelque
60% des aires en seront prochainement équipées. Nous accompagnons la transition
écologique. Je sais les concessionnaires engagés sur le sujet. »
Cet engagement est en effet essentiel pour mener à bien cette transformation
écologique. Et les résultats sont là, via des financements purement privés ou
des partenariats public-privé avec l’État ou les collectivités locales, régions
en tête. Toutes les SCA se sont lancées dans la bataille. Prenons deux exemples
récents : en février dernier, l’opérateur Vinci Autoroutes a signé une
nouvelle convention avec la région PACA pour le développement de l’écomobilité (bornes de
recharges électriques, voies dédiées au transport collectif et propre…).
« Aujourd’hui, le réseau autoroutier a un rôle essentiel à jouer dans
la décarbonation des mobilités, car les déplacements des Français par la route
représentent plus d’un tiers des émissions totales de CO2 du
pays », s’est engagé Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes. Son
alter ego chez Sanef (groupe Abertis) Arnaud Quémard, va lui aussi dans le même sens : « Nous devons
investir pour faciliter le transfert vers des moyens de transport collectifs et
faciliter les usages vertueux de l’automobile (voies dédiées aux bus express,
au covoiturage, etc.) » Les SCA s’engagent en faveur des autoroutes
bas carbone et le gouvernement a bien fait comprendre qu’il veillerait à
entretenir cet indispensable élan.
Devant les sénateurs, Jean-Baptiste Djebbari a donné le cap : « Nous
avons lancé un grand plan de déploiement des bornes électriques sur le réseau
concédé et non concédé, pour permettre l’itinérance : 60% des aires seront
équipées à la fin de l’année, 100% fin 2022. L’État investit à cet effet 100
millions d’euros du plan de relance ; les concessionnaires, 500 millions
d'euros, sur une durée très courte. Preuve d’un bon équilibre contractuel au
service des Français, qui augure bien de l’avenir. » Car l’avenir de
la voiture électrique dans le pays – dont les Français semblent de plus en plus friands au vu des
chiffres de vente – dépendra des infrastructures mises en place. La
voiture a donc encore de beaux jours devant elle : près de 9 foyers sur 10 possèdent au moins un véhicule,
et 9 Français sur 10 utilisent leur voiture au moins une fois
par jour. Avec l’arrêt annoncé de la vente des véhicules thermiques
en 2040, la course contre la montre est lancée : la route de demain sera
verte, il n’y a plus d’alternative.
« Nous sommes désormais confrontés à l’urgence climatique, appuie
le sénateur de la Sarthe Louis-Jean de Nicolaÿ. La route représente encore
87% du transport de personnes et 86% du transport de marchandises : il y a
urgence à décarboner la route. » De son côté, le ministre a rappelé le
cadre strict de la gestion des autoroutes, imposé par le protocole de 2015.
Mais il ne faut pas baisser la garde et poursuivre les efforts vers toujours
plus d’innovation : « Depuis 2015, l’encadrement des sociétés
concessionnaires a été renforcé. Le sujet des bornes électriques démontre que
l’on peut agir concrètement, avec 600 millions d’euros investis en trois ans.
Il ne faudrait pas recréer des zones grises de la mobilité. […] La France
préside la plateforme technique européenne dédiée : 95% des spécifications
qu’elle propose sont acceptées, ce qui est un motif de fierté et ouvre des
opportunités. Nos autoroutes continueront d’être à la pointe de l’innovation. »
Critiqué par certains sénateurs, le modèle des concessions français a surtout
le mérite d’assurer les investissements que l’État ne pourrait pas consentir,
et de maintenir et d’améliorer la qualité des infrastructures. Et cela, les
usagers en ont bien conscience comme le montrent les chiffres de l’Association des sociétés françaises
d’autoroutes (ASFA) : ils sont 95% à être satisfaits des
installations autoroutières. Une satisfaction qui n’en appelle pas moins à une
vigilance constante de tous les acteurs de la route
sources : le Journal de l'économie
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