En 2010, l’Etat a versé 407
millions d'euros aux sept sociétés d’autoroutes pour financer la mise en place
du télépéage. Un dispositif qui génère pourtant de juteux profits aux sociétés
concernées.
Depuis quelques années, les usagers des autoroutes
peuvent profiter de la mise en place du dispositif « télépéage ». Grâce à
un abonnement, les voitures peuvent passer les péages sans avoir à s’arrêter.
Un gain de temps facturé aux automobilistes entre 1,50 et 2 euros par mois, en
plus du tarif habituel.
S’il permet de fluidifier la circulation aux abords
des péages, c’est aussi une formidable manière de doper les profits des sociétés
qui se partagent les voies à grande vitesse. Il faut dire que l’Etat leur a
offert les investissements nécessaires.
Difficile à croire, mais c’est bien le contribuable
qui a payé, à hauteur de 407 millions d’euros, un moyen d’amplifier les revenus
de la Sanef, de Cofiroute, etc…
C’est l’Autorité de la concurrence qui révèle ce
chiffre dans un rapport publié fin septembre et présenté mercredi aux sénateurs
de la Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement
et de l'aménagement du territoire. La compensation versée par l'Etat a été
calculée sur le coût estimé des investissements prévus et non sur le coût
réellement supporté puisque le « contrat de plan » est
signé en amont des investissements. Il n’y a qu’à la fin des contrats de
concession que l’on pourra savoir si la compensation a couvert
l’investissement.
« Naïveté »
« Ces investissements, qui normalement sont dans
l’intérêt des sociétés d’autoroute (on économise des coûts de main d’œuvre, on
rend encore plus attractive l’autoroute car on décongestionne les péages) et
bien l’Etat les ont compensés au nom du ‘débat Carbone’, expliquant que
c’était une bonne chose de moins faire attendre les automobiles. Est-ce qu’il
n’y a pas de la naïveté quand même ? », s’est exclamé le
président de la Haute autorité de la concurrence, Bruno Lasserre.
Car c’est bien au nom de la planète que les sociétés
sont venues taper à la porte de l’Etat en 2009. « Lorsque 100.000 poids lourds
évitent un arrêt au péage en empruntant la voie de télépéage à 30 km/h, la
réduction des émissions de CO2 correspondante est de plus de 80 tonnes »,
explique la société Vinci dans son rapport annuel daté de 2012. A la Haute
autorité de la concurrence d’ajouter : « Par conséquent, étant donné
qu’il y a 557.000 poids lourds abonnés fin de 2012, il faut considérer que 500
tonnes par an sont évitées. Ce volume est à rapporter aux 134 millions de
tonnes émis par les transports en France (en 2009). Si l’objectif est louable
de vouloir limiter les émissions, ces investissements auraient peut-être été
plus efficaces ailleurs. »
De plus, comme le souligne le rapport de Bruno
Lasserre, le télépéage « est de nature à dissuader les automobilistes de
sortir très en amont des grandes agglomérations afin d’éviter les bouchons aux
ultimes barrières de péages. En les conservant plus longtemps sur les
autoroutes, le télépéage permet aux sociétés d’autoroutes d’augmenter les
recettes des péages ».
Plus surprenant encore, « ces investissements qui
ont été compensés par l’Etat ont été répercutés par une augmentation des
péages », note Bruno Lassere.
Triple jackpot
Compension par l’Etat, hausse des prix et revenus
réguliers grâce au prix de l’abonnement : les sociétés d’autoroutes
touchent le jackpot trois fois grâce au télépéage. A publicsénat.fr, Vinci
(dont dépendent quatre des sept entreprises autoroutières) révèle ainsi avoir 2
millions d’abonnés qui génèrent entre 3 et 4 millions d’euros par mois.
« J’avoue que quand j’ai lu ce passage, j’ai relu
plusieurs fois car je pensais avoir mal compris car ça paraissait extravagant
de compenser un investissement qui est de toute évidence de l’intérêt de la
société elle-même », s’insurge le sénateur UDI Hervé Maurey, le président
de la commission du développement durable au Sénat. L’ex-ministre Chantal
Jouanno est elle aussi interloquée : « Si les Français apprennent ce
genre d’exemple, ils vont comprendre que le problème est plus grave qu’un
problème purement politique. C’est un problème institutionnel. On en est arrivé
là car les garde-fous ne fonctionnaient pas ».
« C’est la cerise sur le gâteau. Là, on a
l’impression que les intérêts des citoyens n’ont pas été préservés »,
s’indigne la sénatrice communiste Évelyne Didier qui « veut
savoir les arguments utilisés à l’époque » en faveur de cet
arbitrage.
Interrogé par publicsenat.fr, l’ex-ministre des
Transports de l’époque, Dominique Bussereau (UMP), dit n’avoir « aucun
souvenir de ça » même s’il évoque des « discussions pour reverdir les
autoroutes ». Il ajoute, au conditionnel : « Je ne pense pas que
l’on ait encouragé le télépéage », citant notamment les conséquences de
programme pour l’emploi.
sources : Public Sénat
Enquête de l'Autorité de la Concurrence (154 pages!) : lien
Audition de Bruno Lasserre sur l'avis de l'autorité relatif au secteur des autoroutes
(Durée 2 heures, langage politicien, mais très instructif): lien vidéo
1 commentaire:
et les personnes à mobilité réduite n'ont toujours pas accès à toutes les aires de repos
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