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jeudi 10 septembre 2020

Routes nationales : un pas vers la privatisation ?

Un décret énonce désormais de quelle manière certaines sections de routes nationales pourront être classées dans la catégorie "autoroute"... et donc concédées.

 

Si l'on voulait être un peu caustique, on dirait que la date de publication du décret au Journal officiel, passé quasi inaperçu, n'a pas été choisie par hasard : en plein milieu du mois d'août, le 15. Le décret en question établit les conditions auxquelles des sections de routes nationales pourront passer dans la catégorie des autoroutes. Il précise, en fait, l'un des articles de la loi d'orientation des mobilités (LOM), promulguée le 24 décembre 2019.

Qu'explique-t-il concrètement ? Que des portions de routes gérées par l'Etat, avec un profil 2x2 voies et chaussées séparées, situées dans le prolongement d'une autoroute, peuvent être intégrées au réseau d'autoroutes et donc être potentiellement concédées. Certes, celles-ci ne concernent que plusieurs dizaines de kilomètres sur les quelque 12.000 km de routes nationales, mais à l'heure où la privatisation d'une majeure partie des autoroutes (9.184 km sur 11.600) suscite toujours la controverse, cet adossement de portions de routes à des concessions autoroutières pose question sur la future gestion du réseau national. Car l'un des objectifs de cet amendement vise "à sécuriser juridiquement l'adossement au réseau routier concédé de sections du réseau routier".

Lors de la proposition de la LOM, l'exemple cité était le prolongement de l'A51 à gabarit routier entre le péage de La Saulce et la vallée de l'Avance, qui pourrait désormais aller jusqu'à l'intersection de la RN94 et de la RD942. L'idée était de désengorger ce genre de tronçons, en échange de leur entretien par les concessions, à condition qu'ils soient “couverts par une augmentation des tarifs raisonnable”.

Une manne pour les concessions autoroutières 

Dès lors, on peut se demander quelles répercussions pécuniaires aura, sur les usagers, la concession de ces tronçons de nationales. Car s'il n'est pour l'heure pas question (du moins pas encore) d'imaginer des péages sur les RN, on sait bien que les sociétés concessionnaires d'autoroutes n'ont pas vocation à se lancer dans le bénévolat. Pour preuve, le rapport de l'Autorité de régulation des transports (ART) publié fin juillet. En 2019, le taux de rentabilité des concessionnaires historiques s'établissait à 7,8 % Une rentabilité stable, voire légèrement en hausse depuis 2017.

Même le confinement, qui a provoqué une baisse exceptionnelle du trafic autoroutier de - 80 %, n'entamera leurs profits que de manière modérée. L'ART estime que les sociétés de concessionnaires d'autoroutes ne perdront que deux milliards d'euros de chiffre d'affaires : pas de quoi remettre en cause leur rentabilité en 2020. Alors certes, l'argument d'entretenir des routes en piteux état (plus de 50 % sont à rénover, et 17 % du réseau routier national est très dégradé) plaide en leur faveur, mais à quel prix pour l'usager ? L'ART préconise de maintenir la gratuité de l'accès à ces sections en rallongeant les - juteux - contrats des concessionnaires. Mais ceux-là, prolongés à plusieurs reprises, courent déjà jusqu'en 2031 et 2036. Une suggestion qui va à contre-sens du chemin que prennent nos voisins européens, notamment l'Espagne, qui commence à renationaliser, et l'Italie, qui a résilié l'un des contrats à la suite de l'effondrement du pont de Gênes.

Quoi qu'il en soit, une commission d'enquête du Sénat est en cours. Elle pointe en particulier l'erreur stratégique d'avoir laissé la manne financière aux mains des concessions. La commission doit rendre son rapport mi-septembre. Avec, à la clé, des propositions favorables aux usagers ? On peut rêver.
 
sources : autoplus.fr 
 

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